
Compagnie Le Plaisir du Texte
« Il est un jeu divertissant, devinez comme ce jeu s’appelle, le beau du jeu n’est connu de l’époux, jamais on n’y querelle, devinez comment ce jeu s’appelle ? »
Avertissement aux lecteurs qui aiment la précision. (Les autres peuvent sauter trois lignes.)
Les auteurs des citations ne sont pas nommés et en plus, j’ai parfois coupé des parties, sans forcément indiquer les (…) d’usage, mais c’est pour vous mettre dans l’ambiance. La compagnie Le Plaisir du Texte, a fait pareil.
Vous recevez peut-être comme moi le programme des midis de la poésie, et vous vous dites, c’est sympa la poésie, mais ça manque parfois de corps. Et bien mardi dernier, non. Tout le monde se bousculait pour rentrer dans la salle (pourtant largement assez grande, mais c’est ainsi : être le premier reste un fantasme, même pour aller écouter de la poésie).
Et en matière de fantasme, nous allions être servis.
Et puis, les pressés se calmaient aussi vite qu’une tempête médiatique, grâce aux morceaux de gingembre qui étaient distribués, il n’y a rien de mal à se stimuler un peu.
Après, il suffisait d’écouter.
Une sorte de zapping s(t)exuel à travers les âges et les sexes, avec des mots précieux, suggestifs, et d’autres plus techniques ou plus crus.
Étant entendu qu’on est entre gens de bonne compagnie, et que la chose s’approche de manière un peu plus (bien) élevée que la moyenne des phrases stéréotypées sur la question. On ne se limitera pas à « prends-moi » ou « enfonce-là bien profond », mais on entendra plutôt :
« Il m’a pris mille baisers en me faisant darder la langue, m’a baisé la motte et les fesses, puis a dit à sa femme de charge : le dîner est-il prêt ? »
C’est un style.
Et l’occasion d’enrichir un peu votre vocabulaire, vous, lecteurs paresseux, et de vous demander si vous faites l’amour « comme une belette qui joue avec l’eau » ? Ou si vous éprouvez « ce sentiment de solitude d’une personne si purement seule, d’un être qui vit seul » ?
Parce que bien souvent, vous n’avez pas le temps de penser à tout ça, entraînés par vos corps un peu las, mais vite dépassés par l’action, bien incapables d’en dresser une chronologie trop précise. « Corps et corps, vous vous rappeliez le temps où vous n’étiez qu’un corps» C’est bien, mais c’est peut-être un peu réducteur.
Ce n’est pas que vous manquez de vocabulaire, mais qu’attendez-vous pour susurrer à l’oreille de votre amant(e) que « les mains sont carnivores, les mains sont des yeux qui ne mentent jamais » ?
Peut-être qu’au passage, vous aurez envie de vous poser la question de comment on accepte de parler de nos ébats : on est des animaux ou pas ?
Pour épater un peu, vous pouvez vous risquez à filer la métaphore, mais pas sûr que si vous vous lancez un « Ta gorge triomphante est une belle armoire, armoire à doux secret pleine de bonnes choses, tu fais l’effet d’un beau vaisseau qui prend le large, tes nobles jambes tourmentent les désirs obscurs et les agace… », vous n’obteniez autre chose qu’un éclat de rire, qui n’empêche rien, mais qu’il faudra dépasser en partageant vos « intentions réciproques ». et elle vous répondra peut-être : « tu sais ce que je suis, une débauchée » ou « dans ta poche gauche, je suis nue »
Et vous l’adorerez. Mais évitez alors peut-être de lui murmurer : « tes bras sont des boas luisants », à moins que vous n’aimiez être étouffé. Elle risque de mal le prendre, et vous répondre que vous n’êtes qu’un « petit tas de muscles et d’orgueil ».
On s’en raconte ou on dit la vérité ? Le Kama Sutra peut vous aider à y voir plus clair. Un homme cheval ne peut pas faire le taureau. Une femme éléphant doit être honorée correctement.
L’homme, la femme, le plaisir. Derrière les mots, quelque chose des relations, avec des auteurs qui ont conscience qu’« une foule d’homme sont dans la plus complète ignorance des sentiments de leurs femmes (…) Comme pour faire du pain, il faut préparer la pâte, de même il faut préparer sa femme, pour le commerce sexuel »
Sinon, vos étreintes risquent de ressembler à une « petite pièce obscure d’une intimité presque sinistre », mais cela ne veut pas dire qu’il faut en faire des tonnes pour « avoir des témoins », vous pouvez aussi aimer les préliminaires discrets et intimes, comme « quand on se pelotonne sous la couette »
Si vous êtes jeunes, ça se terminera par « des rougeurs de fraise » sur les joues, et c’est un signe qu’on ne peut pas forcément cacher. Surtout que Camille s’en mêle. Et, « Camille a deux petits seins durs presque musclés (…) la main s’insinue sous le tissu râpeux, sa bouche glisse dans la fente si lisse, offre son sexe déjà trempé… »
Tout se passe pour le mieux, et pourtant « nous vivions à mille lieux l’un de l’autre (…) rien en commun sinon, le sexe entre nos jambes », ça permet quand même de se retrouver « bras et jambes ballants » surtout quand il est question d’introduire « le médium dans son vagin ». Je ne vous raconte pas l’effet que ça peut faire.
Et ça se corse quand « L’évêque la posséda de dos, à même le sol ». Inutile de le nier, « Je me sens toute en feu ». (Ou en tout cas, je fais semblant.) Je repense à quelques histoires, « lorsqu’une femme dans un endroit solitaire se penche et perce un homme avec ses seins » Et que « le sauvage, la brute » y prend goût.
Ça peut dégénérer « Lorsqu’en pareille occasion l’un d’eux presse le corps de l’autre contre un pilier ». « Lorsque l’amour devient intense, c’est le cas de pratiquer la pression avec les ongles, aux creux de l’aisselle, et autres zones (…) rien n’est puissant pour accroître l’amour comme les marques d’ongles ou de morsures »
Oui, il y en avait même pour les fétichistes des chaussures, et vas-y que je te « suce à pleine bouche l’un des lacets, (puis) ramasse une poignée de neige et frictionne le sexe ».
On peut aussi crier, et le Kama Sutra cite le son du coucou, du canard, et bien d’autres d’animaux, mais soyez vous-mêmes, quand même.
Faire l’amour n’est pas toujours une partie de plaisir, « comme empalée sur un pivot, la tête au tapis, le dentier qui tressaute en dehors de la bouche ». On n’est pas à l’abri d’un peu de trivialité : « un trou, elle n’était qu’un trou. »
La familiarité n’a rien d’obligatoire, au contraire, vous pouvez déclarer vos flammes en mots plus troublants que les premiers regards échangés avec cette fille qui aimait l’amour en mer (mais vous, vous aviez surtout le cœur qui remonte à la surface.)
« Tu me pénombres… tu me debout et couché… je t’equinoxe, tu m’infiniment, je te fragile, je t’ardente… » et tout se dit un peu, « tu me volcaniques », « nous nous scandaleusement jour et nuit » « Et quand tu ne haut-talons pas mes sens, tu es phoque. »
Vous en voulez encore ?
A revoir jeudi 27 février 12h40 à 13h30
Centre Culturel Woluwe-Saint-Pierre, Avenue Charles Thielemans, 93 – 1150 Bruxelles
02/773.05.88 info@whalll.be