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Une dose de vécu, trois doses de recul, et quelques grammes de fabulation : je ne suis pas « je », et les autres femmes de l’histoire n’existent pas vraiment.
Un jour, j’ai rencontré une femme de lettres, et entre les femmes, vous savez ce que c’est (non, pas vraiment), et bien c’est tout ou rien. Là, c’était tout. Il y avait quelque chose, des questions, des lettres, quelqu’un qui annonce la couleur : je connais tout ça, l’écriture, et les parcours obstacles qu’il faut emprunter franchir tout ça, et j’en ai bavé.
Bref, un peu de bienveillance ne fait pas de mal, et donc, ça sifflait du chat de temps en temps, petits messages gentils et on s’aime, et nul besoin de trop s’en faire.
Mais ça s’est terminé assez abruptement, par un problème de reconnaissance de territoires : la femme de lettres me disait que je n’avais certainement pas la légitimité nécessaire pour débuter, non, j’étais victime des paramètres qui rendaient mon existence trop confortable à ses yeux : mon apparence, et mes moyens de subsistance.
Je n’étais pas surprise, parce que cela faisait quelques années que je me demandais moi-même quel territoire pourrait bien être le mien, et que je préférais l’ombre et le flou à toute stratégie qui me poserait au milieu des autres qui écrivent, moi, seule, face aux autres. Avec les autres, pourquoi pas. Mais seule, à courir le plus vite possible pour gagner une course pour laquelle j’étais essoufflée d’avance, non. Je n’osais pas. Et je n’avais jamais fait de compétition. L’idée qu’il fallait se mesurer de trop près me mettait mal à l’aise.
Cette rencontre m’a permis de me poser un peu plus clairement la question de ce qu’il faudrait donner, en plus de mon temps, et de beaucoup de patience, pour être bien là où j’étais.
La peur de la reconnaissance est sans doute aussi répandue que sa sœur, opposée, la certitude d’une reconnaissance due, mais qui ne vient pas.
L’écriture numérique s’est tellement développée qu’on ne sait plus très bien à quoi elle correspond vraiment. Egos qui s’autocongratulent, découvreurs de talents qui accompagnent leurs recrues, surproduction par impossibilité de faire autrement : les gens écrivent, et en général, c’est pour se faire lire, pas simplement pour calmer ses nerfs à la fin d’une semaine difficile. Chercher à tout prix une respectabilité, à grands coups de stratégies de communication qui passent par les réseaux sociaux. Constater que les cercles de diffusion sont restreints, même si paradoxalement, il y a énormément de débouchés, pour une écriture.
Mais est-ce que les femmes de lettres peuvent devenir amies ? J’aurais envie de prendre l’exemple de cette rencontre ratée pour dire : non. Mais ce serait sans doute une erreur.
Avant elle, Il y avait eu des rencontres virtuelles.
En général, c’était bien.
Personne n’avait l’air de vouloir prendre quelque chose à personne.
J’ai rencontré surtout des curieuses, qui ne se posaient pas tellement la question d’est-ce qu’il valait mieux laisser passer, ou faire écran.
On écrira ensemble, et on mangera des marshmallows en se racontant nos amours.
On avait envie de quelque chose de simple.
(Et pas la peine d’attendre une question pour rebondir à la fin.)